"Voyage dans un royaume éclairé" par Paul Almasy
Exposition au festival photo "VISIONS D'ORIENT" à La Gacilly du 1er juin au 30 septembre 2022 en partenariat avec akg-images
6 avril 2022
Nous sommes heureux d'annoncer que notre photojournaliste Paul Almasy aura une très belle exposition lors de l'édition 2022 du festival photo de La Gacilly en Bretagne, consacrée aux Visions d'Orient, rassemblant 30 photographies d'Afghanistan, prises entre 1963 et 1971. Paul Almasy fait partie des 10 photographes, femmes et hommes, retenus pour montrer trois pays d’Asie du Sud-Ouest qui tous appartiennent à l’espace culturel persan : l’Afghanistan, l'Iran et le Pakistan. Cyril Drouhet, le commissaire des expositions du festival, a eu un coup de coeur pour la vision de Paul Almasy de l'Afghanistan.
Il précise dans son édito : "Les clichés de Paul Almasy que nous dévoilerons sur les bords de l’Aff montrent que rien n’est inévitable. Ce photographe français, disparu en 2003, était un infatigable voyageur qui a traversé tous les pays du monde, sauf la Mongolie aimait-il préciser. Au début des années 1960, il avait effectué en Afghanistan un long séjour et documenté la vie de ce pays qui souhaitait alors s’ouvrir au monde moderne et encourageait la scolarisation : ses images impossibles aujourd’hui de petites filles, les cheveux à l’air, et de jeunes garçons assis ensemble sur les bancs de l’école sont autant de pépites pour la première fois exposées."
Paul Almasy a souligné, autant dans ses photographies que dans ses reportages texte, le rôle du roi d'Afghanistan, Mohammad Zaher Shah qui dès 1959 avait encouragé la scolarisation et l’émancipation des femmes, leur donnant le droit de ne pas porter le voile et avait fait élaborer une nouvelle Constitution (inspirée par ailleurs de celle de la Ve République française et transformant la monarchie constitutionnelle afghane en monarchie parlementaire) qui fut adoptée en 1964.
Dans son reportage intitulé Afghanistan – Un peuple à l’école Almasy écrit :
"La tâche la plus importante et urgente du gouvernement afghan est la promotion de l’éducation. Apprendre est le début de tout progrès et ici plus qu’ailleurs on a besoin de connaissance. Le pourcentage des analphabètes est extraordinairement élevé et le nombre de personnes qui possèdent un diplôme universitaire ou qui sont dûment formées dans un quelconque métier suffit à peine à pourvoir les postes dans les ministères et dans l’administration.
La promotion de l’éducation a été entreprise au cours des dernières années avec la plus grande énergie et également avec les plus grands efforts financiers. À côté de centaines d’écoles primaires et secondaires ont également été construits de nombreux lycées, écoles professionnelles et universités."
Et il continue : "Depuis un an, il existe à Kaboul la première école de musique, une fondation de l’Académie de Musique de Vienne, et une école d’art qui est animée par des professeurs allemands."
Paul Almasy poursuit : "Parmi les étudiants à tous les niveaux, la relation entre garçons et filles a changé fortement au cours des dernières années. En 1953, les élèves dans les écoles primaires étaient constitués de 97% de garçons et 3 % de filles, aujourd’hui leur nombre a augmenté à 10%. Cette relation s’est développée encore plus fortement en faveur des filles dans les écoles médiaires et les universités. Dans les lycées, le pourcentage des filles atteint 23% et à l’Université 31%. Ce résultat est assez surprenant quand on sait que l’Afghanistan est un pays avec des traditions strictement musulmanes, où il y a 15-20 ans les femmes étaient encore complètement exclues de la vie publique. Le pourcentage croissant dans les niveaux supérieurs de l’enseignement s’explique par le fait que les garçons des familles plus pauvres ne peuvent pas continuer leurs études après l’école primaire, tandis que les milieux aisés offrent une éducation supérieure à leurs enfants des deux sexes."
La santé joue évidemment un rôle primordial dans les efforts d'améliorer les conditions de vie de la population. Une série de photos montre des campagnes de vaccination contre la variole et le paludisme en 1971 :
La transition d'un pays pauvre vers la modernisation est un autre aspect de l'Afghanistan dans les années 1960/début 1970 que Paul Almasy analyse et révèle dans ses photos.
Il écrit "L’Afghanistan qui pendant de longs siècles est resté à l’écart du progrès a ouvert ses portes aux experts venus de tous les coins du monde pour aider à mettre le pays à l’heure des fusées. Le pays a un retard de plusieurs siècles sur le monde occidental dans tous les domaines."
Deux photos datant de 1971 montrant respectivement une allée couverte dans le bazar de Mazâr-e Charîf et le bazar de Kaboul à côté de constructions récentes au pied du massif montagneux Koh-e Asamai mettent en lumière cette coexistence entre ancien et moderne dans l'Afghanistan à cette époque :
Nous terminons cette présentation du travail de Paul Almasy en Afghanistan qui sera mis à l'honneur cet été au festival de La Gacilly, avec une photo très emblématique qui comporte tous les éléments évoqués. C'est une scène de rue devant l’Hôtel Shabistan à Kaboul prise en 1971 et tout y est : La construction flambant neuve d'un hôtel nommé à l'occidentale (incongruité "camping" comprise); une pharmacie Hoechst un peu plus loin; un arrêt de bus; des hommes enturbannés se reposant au bord de la route à côte d'un jeune homme avec un vélo et, surtout, une jeune femme en robe ultra courte, les cheveux longs attachés en queue de cheval. À voir cette photo en 2022, on se dit que les talibans au pouvoir renvoient leur pays non seulement des années mais des décennies en arrière.
Vous pouvez découvrir une introduction à l'oeuvre de Paul Almasy et un aperçu plus complet de ses reportages sur l'Afghanistan à la Une de notre site.
Présentation et sélection iconographique : Ulrike Haussen