17 octobre 1961 : Manifestation des Algériens à Paris contre le couvre-feu

Une manifestation pacifique réprimée violemment par la police française

Cette une page très sombre de l'Histoire de France dont on commémore cette année le soixantième anniversaire, celle de la manifestation des travailleurs algériens du 17 octobre 1961, manifestation pacifique qui fut violemment réprimée par les forces de l'ordre sous l'autorité du préfet de police de l'époque, Maurice Papon.

Maurice Papon, Préfet de Police de Paris, dans son bureau de la préfecture en octobre 1960. © Paul Almasy / akg-images
Maurice Papon, Préfet de Police de Paris, dans son bureau de la préfecture en octobre 1960. © Paul Almasy / akg-images

Alors que la Guerre d'Algérie bat son plein et dans un contexte de violence croissante (augmentation des attentats du FLN contre les forces de l'ordre, formation de groupes « anti-terroristes » prêts à se faire justice eux-mêmes, pression policière sur les Algériens vivant en France métropolitaine), le ministre de l'Intérieur et le préfet de police décident de passer à l'action en instaurant un couvre-feu envers les seuls Algériens : « Il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement entre 20 h 30 et 5 h 30 du matin » (communiqué de la Préfecture de police de Paris).

Ce couvre-feu rencontre une forte opposition publique, non seulement des forces de gauche comme le parti communiste et la CGT, mais également du MRP.

Tout de suite après l'établissement du couvre-feu, le responsable parisien du FLN préconise des actions nocturnes rassemblant hommes, femmes et enfants. Après différentes consultations, le comité fédéral du FLN finit par opter pour le boycott du couvre-feu par l'organisation d'une manifestation de masse avec l'idée suivante : « Si la police laissait faire, l'autorité du préfet serait bafouée. Si elle réagissait, elle manifestait ouvertement son racisme ».

Tous les Algériens, hommes, femmes et enfants devaient y participer. Le port d'armes, même les plus insignifiantes, y fut absolument interdit. Cette manifestation se voulait pacifique et le mot d'ordre fut donné aux militants de n'en communiquer les détails à la base que dans la journée même du 17 octobre pour que la police fût au courant le plus tard possible.

La police est mal informée des événements qui se préparent, et c'est seulement dans la matinée du 17 que l'information parvient au cabinet de Maurice Papon. Une grève des cheminots à la gare Saint-Lazare a empêché certains travailleurs algériens de se rendre à leur lieu de travail en banlieue, si bien qu'ils se sont regroupés pour investir la Madeleine et l'Opéra pour crier des slogans contre le couvre-feu plusieurs heures avant le début officiel de l'action. A 16 h 20, tous les services de la préfecture de police reçoivent un télégramme informant que « Le FLN ordonne à tous les FMA de sortir ce soir 17 octobre en fin d'après-midi et en soirée sur les grands axes de la capitale […] afin de manifester pacifiquement contre les récentes mesures préfectorales ». Consigne est donnée dans ce même télégramme d'appréhender les manifestants, de conduire les hommes au Palais des sports, les femmes et les enfants au poste de police de la rue Thorel, dans le 2e arrondissement.

Pour faire face à la manifestation, la préfecture mobilise 716 hommes de la police municipale, 662 hommes de la Gendarmerie mobile et 280 CRS, soit au total 1 658 hommes, une véritable armada. 12 000 personnes seront arrêtées en quelques heures et il y aura entre des dizaines et des centaines de morts selon les sources, avec des manifestants emprisonnés dans des centres de détention spécialement mis en place (Palais des Sports, stade Coubertin, Parc des Expositions, etc.).

C'est tardivement que la rédaction de France Soir, où travaille Jacques Boissay comme reporter-photographe, est informée de l'évènement. Il est envoyé en urgence sur place et couvre, médusé, la manifestation sur les Grands Boulevards et les arrestations de masse par les policiers français. La Police est sur les nerfs et les brutalités sont nombreuses : Jacques Boissay doit se cacher derrière un camion pour éviter les coups de matraque et pouvoir prendre une des photos emblématiques de cette page sombre de notre histoire (notre photo du Header reprise ci-dessus) où l'on voit très nettement la terreur sur les visages.

Jacques Boissay a pu aussi prendre ces autres photos stupéfiantes où l'on voit ces femmes, ces enfants et ces hommes arrêtés en masse, mains en l'air ou sur la tête, et conduits vers des centres où certains d'entre eux trouveront la mort.

Ce reportage de Jacques Boissay, dont vous pouvez consulter l'intégralité sur notre site internet, est un témoignage photographique exceptionnel sur un événement historique dont les portées symbolique et politique résonnent aujourd'hui avec une acuité particulière.


 

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